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/ Considération sur la lutherie électronique
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/ Développement
instrumental
Un Bon Moment est un travail artistique engagé depuis environ
5 ans avec quatre personnes ne disposant pas de facultés gestuelles habituelles (IMC - infirme moteur cérébral). ce travail
est en continuelle évolution. La particularité de ce travail est de lier étroitement la réalisation
technologique, la problématique artistique et les conditions particulières du handicap.
En effet plutôt que se donner comme objectif d'aboutir à une situation conventionnelle (exemple "jouer de la musique") et de concevoir
les moyens technologiques pour y parvenir en présence de personnes handicapées (bien évidemment dans la plupart des
cas cette situation est propre aux personnes valides), nous avons préféré partir de rien, ne pas
se donner d'objectif particulier quant à une forme, et par un patient travail
d'élaboration et d'écoute, concevoir les moyens sonores visuels et technologiques permettant cette réalisation un peu
indéfinissable(qui n'est ni un spectacle, ni un installation) que nous avons nommé Un Bon
Moment 1. Nous avons posé comme principe que c'est le dispositif ou les a priori
quant aux résultats qui créent le handicap plus que la personne elle-même
(si on la considère comme telle). Il est, par exemple, bien évident que les instruments de musique tels que nous les
connaissons sont tous fabriqués en référence à certaines possibilités gestuelles
(écartement et mouvements des bras, des mains, des doigts vitesse et précision de ces mouvements
etc..), et même si l'apprentissage en est long, il est toujours possible pour un valide. Ce n'est pas le cas pour
un "handicapé" qui ne retrouve pas, forcément!, les caractéristiques (dimensions, écartement, force, précision...) de
son corps dans l'instrument et également, d'une certaine manière dans la musique faite
avec ou pour ces instruments. Cette réflexion nous a amené à ne plus parler de "handicap"
mais de possibilités gestuelles particulières pour fabriquer des agencements
sonores. et , de manière plus générale, de conditions particulières dans
l'élaboration du travail artistique. Pour définir en quelques mots ce qui a été une des constantes
dans la conduite de ce travail nous dirions qu' il ne s'agit plus seulement de "donner accès" à des personnes handicapées à
une musique dont le modèle, au bout du compte, repose sur les possibilités instrumentales d'une
personne valide, mais bien d'être attentifs à l'émergence de modèles musicaux liés à de
très faibles possibilités gestuelles et d'aborder un rapport au musical qui ne repose pas sur la virtuosité.
Problématique du temps dans un Bon
Moment :
Une des premières constatations faites au cours de ce travail,
concerne un rapport au temps tout à fait inhabituel. En premier lieu, le temps de la communication (lié aux difficultés à
articuler les sons du langage) et donc le temps du travail en commun, fait
de moments d'attentes entre, par exemple, une idée et son expression ou bien entre une décision, celle de produire un
geste, par exemple, et le moment ou celui-ci prend corps. En second lieu, conséquence de ces premières remarques
l'impossibilité absolue de synchroniser des événements sonores de manière fixée
(prédéterminée), donc l'impossibilité de prévoir une partition musicale
au sens entendu habituellement. Enfin, et de manière beaucoup plus abstraite, le
temps comme rythme intérieur mis en évidence dans la musique à travers la pulsation, la
figure, le geste, le mouvement, puisqu'on peut imaginer que l'appréhension du temps soit très
différente pour quelqu'un qui se déplace uniquement en fauteuil roulant (depuis sa naissance) , qui ne
peut parler (très peu de mots à la fois) que dans une tension extrême. Bien évidemment
il nous est apparu indispensable non seulement de tenir compte mais de mettre en évidence ces dispositions temporelles
particulières, dans la réalisation des instruments : chaque instrument a été réalisé
avec comme objectif, compte tenu des remarques précédentes, de permettre
à l'instrumentiste de s'impliquer physiquement (compte tenu de ses particularités
gestuelles - mouvement, énergie, tension musculaire...) dans un processus d'invention sonore.
dans la réalisation du dispositif représentations : nous avons travaillé
a créer des situations et des possibilités plutôt que sur le résultat sonore lui-même
(possibilités sonores, visuelles, gestuelles pour chaque instrumentiste, et possibilités de rencontres et de jeux à
plusieurs ), et proposer au spectateur cette idée de "Walk About" où il n'est plus
question de cohérence à travers l'idée de forme linéaire mais d'attention aux évènements en train de se
produire, dans un temps qui lui appartient puisqu'il peut entrer et sortir du lieu de la
représentation selon son propre gré.
L'instrument
électronique :
La particularité d'un l'instrument de musique électronique, qui
n'apparaît pas toujours dans les instruments de grande diffusion souvent conçus dans un souci de mimétisme de l'instrument
acoustique, est précisément l'absence de système mécanique acoustique imbriquant de
manière très étroite un certain type de geste avec une certaine classe de sons (le timbre instrumental).
La condition pour l'instrumentiste est donc d'apprendre à jouer de l'instrument c'est à dire acquérir la
maîtrise d'un certain répertoire gestuel permettant de produire les sons
de cet instrument et d'aborder le répertoire musical qui lui est destiné.
La problématique de l'instrument électronique se pose de manière différente dans la mesure où les diverses étapes de
contrôle des phénomènes sonore sont laissé au choix de l'utilisateur/concepteur.
Entre geste et son, on ne manipule plus obligatoirement des masses en mouvement (marteau, colonne
d'air, cordes ...) mais des données numériques. |
Cette conception de l'instrument a pour effet de dissocier geste et émission sonore dans leur rapport immédiat (conventionnel)
impliquant bien sûr la nécessité d'inventer de nouveaux rapports entre geste, sons
et invention musicale.
Ceci nous paraît avoir pour
conséquence :
- de permettre de nouveaux gestes musicaux en dehors des "attitudes musicales" conventionnelles
- de permettre l'invention d'autres formes d'écriture musicales, liés à
l'imprécision, ou à l'approximation
- de mettre en évidence la nécessité d'une réflexion sur les
choix musicaux, simultanément à la conception du dispositif instrumental. Et,
d'une certaine façon, de faire apparaître que concevoir l'instrument c'est déjà commencer à composer la
musique.
- Sur un plan plus général, au delà de l'opposition entre
acousmatique et instrumental "live" il nous semble qu'une réflexion sérieuse sur la
pratique de l'instrument électronique met en évidence un aspect plus fondamental - plus novateur si
on veut - qui est cette possibilité pour le compositeur - instrumentiste (et/ou improvisateur) d'intervenir
directement sur les sons (les phénomènes sonores), dans le temps où ceux-ci
se développent, s'établissent dans la durée, et donc de construire et de développer une idée, une forme musicale, sur
la sensation de la durée et des modes d'articulation, à l'inverse d'une
rhétorique et d'une logique de la structure.
Ces techniques de jeu imbriquent étroitement matière sonore et
composition musicale, dans la mesure ou les deux sont engendrés simultanément , et posent bien évidemment d'une
manière nouvelle le rapport entre organisation - règle - et matériau. Il est sans doute un
peu tôt (historiquement) pour tenter de formaliser ces nouveaux rapports.
Ce qu'on peut constater, en revanche, c'est une manière de
fabriquer la musique qui implique des ouvres envisagées comme du temps vécu à
l'inverse de celle, traditionnelle, d'objet construit . On comprend bien que, dans cette optique, le rapport
entre les éléments qui composent l'ouvre, et l'ouvre elle-même sont profondément modifiés. On peu même
dire, dans le prolongement de cette idée , que, dans certain cas particulier,
le sens de l'ouvre reste le même, même si les éléments qui la composent ne sont pas tout à fait identiques.
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/ Développement
instrumental
En l'état actuel des chose "Un Bon Moment" a donné lieu à
deux représentations publiques sur des périodes assez longues (environ un
mois). Quatre dispositifs instrumentaux mobiles et autonomes (les mobil homes)
fonctionnent : un destiné à enregistrer transformer et projeter des images, les trois autres
dispositifs étant destinés plus spécifiquement à des jeux sonores.
Les trois dispositifs instrumentaux "sonores" sont conçus sur le
même modèle: un capteur gestuel, un module destiné à la transformation des
informations fournies par le capteur en données MDI, un module de génération de son et un projecteur
vidéo projetant tout ou partie de l'écran de l'ordinateur.
Les trois capteurs gestuels sont :
Un système HEAD MOUSE
(Origin Instruments) destiné à contrôler les mouvements du pointeur de la souris sur l'écran
d'un ordinateur grâce à un capteur optique suivant les mouvements d'une pastille collée sur le
front de l'opérateur.
Une manette de grandes dimensions (et grand débattement) de
type joystick.
Un capteur de souffle et de pression des lèvres faisant partie du
contrôleur YAMAHAWX7.
Ces trois capteurs communiquent avec le logiciel MAX
(cycling 74), soit directement (WX7), soit par l'intermédiaire d'un I-cube
(Infusion systems) (manette), soit grâce à un objet MAX spécialement conçu pour ce
travail : l'objet PAD.
Le module de génération sonore est actuellement, pour les trois
instruments sonores, fourni par la partie audio du logiciel MAX (MSP).
La projection de l'écran d'ordinateur se fait soit sur une surface
intégré au dispositif instrumental mobile soit sur une surface extérieure. Elle est destinée à permettre la visualisation de
textes entendus et traités de manière sonore, d'images transformées par les
données MIDI fournies par le capteur gestuel (logiciel Imagine), du pointeur de la souris redessiné
(voir ci-dessous, l'instrument de Rafika Sahli-Kaddour).
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L''instrument de Rafika Sahli-Kaddour :
Le capteur gestuel de Rafika (suivi des mouvements de la tête) permet
par l'intermédiaire de l'objet PAD de mettre en ouvre trois dispositifs
instrumentaux qui fonctionnement de manière sensiblement différente.
Le premier dispositif fonctionne en projetant l'écran de l'ordinateur
sur une surface ou un espace où sont installée des repères visuels :
images , objets... qui correspondent chacun au positionnement d' un
objet PAD qui n'apparaît pas.
Rafika peut ainsi diriger le pointeur de la souris (redessiné en forme
de cercle rouge) vers des objets réels disposés dans l'espace, le
déplacer sur objets et produire, contrôler des événements sonores en
fonction de ces points de repères visuels, sorte de partition non
linéaire.
Le second dispositif est assez proche du premier mis à part qu'on
projette une image affichée sur l'écran de l'ordinateur (il peut
éventuellement s'agir d'un film) les objets permettant le contrôle des
événements sonore correspondant alors à des zones particulières de
l'image ou du film.
Le troisième dispositif ne nécessite pas la projection de l'écran, et
utilise les informations de vitesse et de sens du déplacement
(horizontal ou vertical ) du pointeur, donnée par l'objet PAD.
L'instrumentiste dans ce cas contrôle les émissions sonores par la
vitesse et le sens de déplacement de la tête dans un répertoire de
mouvements qui fait appel, pour la mémorisation, à des notions plus
abstraites de l'ordre de l'intention, du toucher.
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