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LUTHERIE ÉLECTRONIQUE :

 

 

Ici l'handicap n'est pas vécu comme l'impossibilité de produire des actes, mais au contraire, comme terrain d’invention et d’audace. La forme même des présentations mettant en situation les performers et leurs instrumentations électronique, s'invente dans un déroulement en dehors de toute possibilité de synchronisation des évènements. C'est par la simultanéité des actions dans le partage de la pensée artistique que l'écriture prend forme. Nous sommes face à une autre conception de l'équilibre et une autre façon d'appréhender l'espace.

 

1 / Considération sur la lutherie électronique

2 / Développement instrumental

 

Un Bon Moment est un travail artistique engagé depuis environ 5 ans avec quatre personnes ne disposant pas de facultés gestuelles habituelles (IMC - infirme moteur cérébral). ce travail est en continuelle évolution. La particularité de ce travail est de lier étroitement la réalisation technologique, la problématique artistique et les conditions particulières du handicap. En effet plutôt que se donner comme objectif d'aboutir à une situation conventionnelle (exemple "jouer de la musique") et de concevoir les moyens technologiques pour y parvenir en présence de personnes handicapées (bien évidemment dans la plupart des cas cette situation est propre aux personnes valides), nous avons préféré partir de rien, ne pas se donner d'objectif particulier quant à une forme, et par un patient travail d'élaboration et d'écoute, concevoir les moyens sonores visuels et technologiques permettant cette réalisation un peu indéfinissable(qui n'est ni un spectacle, ni un installation) que nous avons nommé Un Bon Moment 1. Nous avons posé comme principe que c'est le dispositif ou les a priori quant aux résultats qui créent le handicap plus que la personne elle-même (si on la considère comme telle). Il est, par exemple, bien évident que les instruments de musique tels que nous les connaissons sont tous fabriqués en référence à certaines possibilités gestuelles (écartement et mouvements des bras, des mains, des doigts vitesse et précision de ces mouvements etc..), et même si l'apprentissage en est long, il est toujours possible pour un valide. Ce n'est pas le cas pour un "handicapé" qui ne retrouve pas, forcément!, les caractéristiques (dimensions, écartement, force, précision...) de son corps dans l'instrument et également, d'une certaine manière dans la musique faite avec ou pour ces instruments. Cette réflexion nous a amené à ne plus parler de "handicap" mais de possibilités gestuelles particulières pour fabriquer des agencements sonores. et , de manière plus générale, de conditions particulières dans l'élaboration du travail artistique. Pour définir en quelques mots ce qui a été une des constantes dans la conduite de ce travail nous dirions qu' il ne s'agit plus seulement de "donner accès" à des personnes handicapées à une musique dont le modèle, au bout du compte, repose sur les possibilités instrumentales d'une personne valide, mais bien d'être attentifs à l'émergence de modèles musicaux liés à de très faibles possibilités gestuelles et d'aborder un rapport au musical qui ne repose pas sur la virtuosité.

 

Problématique du temps dans un Bon Moment :

Une des premières constatations faites au cours de ce travail, concerne un rapport au temps tout à fait inhabituel. En premier lieu, le temps de la communication (lié aux difficultés à articuler les sons du langage) et donc le temps du travail en commun, fait de moments d'attentes entre, par exemple, une idée et son expression ou bien entre une décision, celle de produire un geste, par exemple, et le moment ou celui-ci prend corps. En second lieu, conséquence de ces premières remarques l'impossibilité absolue de synchroniser des événements sonores de manière fixée (prédéterminée), donc l'impossibilité de prévoir une partition musicale au sens entendu habituellement. Enfin, et de manière beaucoup plus abstraite, le temps comme rythme intérieur mis en évidence dans la musique à travers la pulsation, la figure, le geste, le mouvement, puisqu'on peut imaginer que l'appréhension du temps soit très différente pour quelqu'un qui se déplace uniquement en fauteuil roulant (depuis sa naissance) , qui ne peut parler (très peu de mots à la fois) que dans une tension extrême. Bien évidemment il nous est apparu indispensable non seulement de tenir compte mais de mettre en évidence ces dispositions temporelles particulières, dans la réalisation des instruments : chaque instrument a été réalisé avec comme objectif, compte tenu des remarques précédentes, de permettre à l'instrumentiste de s'impliquer physiquement (compte tenu de ses particularités gestuelles - mouvement, énergie, tension musculaire...) dans un processus d'invention sonore. dans la réalisation du dispositif représentations : nous avons travaillé a créer des situations et des possibilités plutôt que sur le résultat sonore lui-même (possibilités sonores, visuelles, gestuelles pour chaque instrumentiste, et possibilités de rencontres et de jeux à plusieurs ), et proposer au spectateur cette idée de "Walk About" où il n'est plus question de cohérence à travers l'idée de forme linéaire mais d'attention aux évènements en train de se produire, dans un temps qui lui appartient puisqu'il peut entrer et sortir du lieu de la représentation selon son propre gré.

 

L'instrument électronique :

La particularité d'un l'instrument de musique électronique, qui n'apparaît pas toujours dans les instruments de grande diffusion souvent conçus dans un souci de mimétisme de l'instrument acoustique, est précisément l'absence de système mécanique acoustique imbriquant de manière très étroite un certain type de geste avec une certaine classe de sons (le timbre instrumental). La condition pour l'instrumentiste est donc d'apprendre à jouer de l'instrument c'est à dire acquérir la maîtrise d'un certain répertoire gestuel permettant de produire les sons de cet instrument et d'aborder le répertoire musical qui lui est destiné. La problématique de l'instrument électronique se pose de manière différente dans la mesure où les diverses étapes de contrôle des phénomènes sonore sont laissé au choix de l'utilisateur/concepteur. Entre geste et son, on ne manipule plus obligatoirement des masses en mouvement (marteau, colonne d'air, cordes ...) mais des données numériques. 

 

Le schéma suivant nous semble explicatif des divers point d'entrée et de contrôle :

 

 

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Cette conception de l'instrument a pour effet de dissocier geste et émission sonore dans leur rapport immédiat (conventionnel) impliquant bien sûr la nécessité d'inventer de nouveaux rapports entre geste, sons et invention musicale.

Ceci nous paraît avoir pour conséquence :
- de permettre de nouveaux gestes musicaux en dehors des "attitudes musicales" conventionnelles - de permettre l'invention d'autres formes d'écriture musicales, liés à l'imprécision, ou à l'approximation

- de mettre en évidence la nécessité d'une réflexion sur les choix musicaux, simultanément à la conception du dispositif instrumental. Et, d'une certaine façon, de faire apparaître que concevoir l'instrument c'est déjà commencer à composer la musique.

- Sur un plan plus général, au delà de l'opposition entre acousmatique et instrumental "live" il nous semble qu'une réflexion sérieuse sur la pratique de l'instrument électronique met en évidence un aspect plus fondamental - plus novateur si on veut - qui est cette possibilité pour le compositeur - instrumentiste (et/ou improvisateur) d'intervenir directement sur les sons (les phénomènes sonores), dans le temps où ceux-ci se développent, s'établissent dans la durée, et donc de construire et de développer une idée, une forme musicale, sur la sensation de la durée et des modes d'articulation, à l'inverse d'une rhétorique et d'une logique de la structure.

Ces techniques de jeu imbriquent étroitement matière sonore et composition musicale, dans la mesure ou les deux sont engendrés simultanément , et posent bien évidemment d'une manière nouvelle le rapport entre organisation - règle - et matériau. Il est sans doute un peu tôt (historiquement) pour tenter de formaliser ces nouveaux rapports.

Ce qu'on peut constater, en revanche, c'est une manière de fabriquer la musique qui implique des ouvres envisagées comme du temps vécu à l'inverse de celle, traditionnelle, d'objet construit . On comprend bien que, dans cette optique, le rapport entre les éléments qui composent l'ouvre, et l'ouvre elle-même sont profondément modifiés. On peu même dire, dans le prolongement de cette idée , que, dans certain cas particulier, le sens de l'ouvre reste le même, même si les éléments qui la composent ne sont pas tout à fait identiques. 

 

1 / Considération sur la lutherie électronique

2 / Développement instrumental

 

En l'état actuel des chose "Un Bon Moment" a donné lieu à deux représentations publiques sur des périodes assez longues (environ un mois). Quatre dispositifs instrumentaux mobiles et autonomes (les mobil homes) fonctionnent : un destiné à enregistrer transformer et projeter des images, les trois autres dispositifs étant destinés plus spécifiquement à des jeux sonores.

Les trois dispositifs instrumentaux "sonores" sont conçus sur le même modèle: un capteur gestuel, un module destiné à la transformation des informations fournies par le capteur en données MDI, un module de génération de son et un projecteur vidéo projetant tout ou partie de l'écran de l'ordinateur.

Les trois capteurs gestuels sont :

Un système HEAD MOUSE (Origin Instruments) destiné à contrôler les mouvements du pointeur de la souris sur l'écran d'un ordinateur grâce à un capteur optique suivant les mouvements d'une pastille collée sur le front de l'opérateur.

Une manette de grandes dimensions (et grand débattement) de type joystick.

Un capteur de souffle et de pression des lèvres faisant partie du contrôleur YAMAHAWX7.

Ces trois capteurs communiquent avec le logiciel MAX (cycling 74), soit directement (WX7), soit par l'intermédiaire d'un I-cube (Infusion systems) (manette), soit grâce à un objet MAX spécialement conçu pour ce travail : l'objet PAD.

Le module de génération sonore est actuellement, pour les trois instruments sonores, fourni par la partie audio du logiciel MAX (MSP).

La projection de l'écran d'ordinateur se fait soit sur une surface intégré au dispositif instrumental mobile soit sur une surface extérieure. Elle est destinée à permettre la visualisation de textes entendus et traités de manière sonore, d'images transformées par les données MIDI fournies par le capteur gestuel (logiciel Imagine), du pointeur de la souris redessiné (voir ci-dessous, l'instrument de Rafika Sahli-Kaddour). 

 

L'objet PAD :

Il s'agit d'un objet externe qui se présente sous la forme d'un rectangle. Comme tous les objets de MAX il peut être déplacé dans le patch tout en conservant ses caractéristiques intrinsèques. Il est redimensionnable par simple clic et glissement de la souris. Il analyse les déplacements et actions du pointeur qui se situent dans la zone d'écran qu'il couvre, et donne en retour :

Un couple de valeurs liées à la position de la souris relativement à son coin inférieur gauche et à l'intervalle de valeurs fixées par l'utilisateur tant en abscisses qu'en ordonnées (un offset et un facteur multiplicatif peuvent aussi être attribués.

- La vitesse de déplacement du pointeur

- L'accélération du pointeur

- Un message si le pointeur entre dans l'objet

- Un message si le pointeur sort de l'objet

- Un message si un clic survient quand le pointeur est sur l'objet

- Un message si le bouton de la souris est maintenu enfoncé quand le pointeur est sur l'objet et qu'il se déplace (click and drag).

 

L''instrument de Rafika Sahli-Kaddour :

Le capteur gestuel de Rafika (suivi des mouvements de la tête) permet par l'intermédiaire de l'objet PAD de mettre en ouvre trois dispositifs instrumentaux qui fonctionnement de manière sensiblement différente.

Le premier dispositif fonctionne en projetant l'écran de l'ordinateur sur une surface ou un espace où sont installée des repères visuels :

images , objets... qui correspondent chacun au positionnement d' un objet PAD qui n'apparaît pas.

Rafika peut ainsi diriger le pointeur de la souris (redessiné en forme de cercle rouge) vers des objets réels disposés dans l'espace, le déplacer sur objets et produire, contrôler des événements sonores en fonction de ces points de repères visuels, sorte de partition non linéaire.

Le second dispositif est assez proche du premier mis à part qu'on projette une image affichée sur l'écran de l'ordinateur (il peut éventuellement s'agir d'un film) les objets permettant le contrôle des événements sonore correspondant alors à des zones particulières de l'image ou du film.

Le troisième dispositif ne nécessite pas la projection de l'écran, et utilise les informations de vitesse et de sens du déplacement (horizontal ou vertical ) du pointeur, donnée par l'objet PAD.

L'instrumentiste dans ce cas contrôle les émissions sonores par la vitesse et le sens de déplacement de la tête dans un répertoire de mouvements qui fait appel, pour la mémorisation, à des notions plus abstraites de l'ordre de l'intention, du toucher.

 

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